Le Cahier d'Anthony Mouyoungui

Le Cahier d'Anthony Mouyoungui

Hamba Kahle, Madiba!


Le plus illustre des enfants d'Afrique s'en est allé ce 5 décembre 2013 à 95 ans. Sa vie et son combat sont des exemples pour tout être humain. Celui qui disait
 ''Il faut d'abord être honnête avec soi même. On ne parvient jamais à avoir un impact sur la société si l'on ne se transforme pas soi même'' a marqué l'histoire de l'humanité de son empreinte.

 
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Nelson Mandela a passé toute sa vie à lutter pour l’égalité des races, le respect de la dignité humaine. Il a passé une grande partie de sa vie à casser les pierres en prison. Pourtant, une fois libre et récompensé du Prix Nobel de la paix, il n’est resté que cinq ans à la tête de son pays. Son aura et son charisme lui auraient permis de se faire élire pour plusieurs mandats s’il l’avait souhaité. Mais, l’homme était au dessus de tout cela, ce n’était pas son genre de s’éterniser au pouvoir comme les autres présidents africains. Il ne commis pas la maladresse que d’autres pères fondateurs avaient commise : profiter du statut de héros pour s’accaparer du pouvoir !

 L’intérêt collectif primait sur les siens. Tel un capitaine, il a conduit le navire arc-en-ciel à bon port et à laisser la barre aux plus jeunes.

Il ne se battait pas pour lui ni pour les noirs, il se battait pour son pays et pour tous les peuples opprimés. Président, il aurait pu se venger pour tout le mal qu’il avait subi, ses années de prison et les humiliations, il ne le fit pas et prôna au contraire le pardon au grand dam des faucons de l’ANC qui criaient vengeance. ‘’Au plus profond de chaque cœur humain se trouvent la miséricorde et la générosité’’ affirmait-il. Il croyait en la bonté de chacun de nous.

 

Jamais l’Afrique n’aura eu un tel enfant ! Un enfant différent des autres à tel point qu’il suscita l’admiration du monde entier et rendit au continent un peu de sa fierté. Tout le monde voulait le voir et le toucher avant de mourir. Seulement, il est mort avant que je ne puisse le toucher. Dommage pour moi ! J’étais son contemporain, c’est ma consolation.

 J’étais encore un adolescent lorsque j’ai entendu parler de lui pour la première et ensuite toute ma génération a repris le refrain d’Asimbonanga, la chanson de Johnny Clegg, le ‘’zoulou blanc’’ : ‘’Nous ne l’avons pas vu. Nous n’avons pas vu Mandela. A l’endroit où il est prisonnier. A l’endroit où on le retient prisonnier’’

On ne comprenait pas bien l’anglais encore moins le zulu et pourtant on fredonnait cette chanson à longueur de journée. On a vu et revu les images du concert hommage de ses 70 ans à Wembley. On s’était pris de passion pour l’Afrique du Sud, on écoutait Yvonne Chaka Chaka, on a redécouvert Miriam Makeba, on a participé à l’opération ‘’Fond Africa’’ et chaque matin, sur Radio-Congo, Georges Bakari nous faisait pleurer avec ses faits divers dramatiques sur la condition des noirs en Afrique du Sud. J’ai aussi pleuré, seul dans ma chambre, en lisant ‘’Pleure, ô pays bien-aimé’’ d’Alan Paton et devant ma télé en suivant le film ‘’Amok’’ de Souheil Ben Barka... Comme tout jeune de cette génération, j'avais envie de me battre, arme à la main, contre l'apartheid!

 

Personne ne savait vraiment à quoi ressemblait Nelson Mandela après toutes ces années, de lui on avait que des vieilles photos avec cette raie sur le front. Et le 11 février 1990, on le vit enfin, âgé et heureux mais pas fatigué, prêt pour le combat le plus difficile : réconcilier la nation. ‘’Je ne passerai par ce monde qu’une seule fois et je ne veux pas dévier de ma mission qui est celle d’unifier la nation’’ disait-il !

Devant mon poste téléviseur noir et blanc, je n’ai rien manqué des événements de ce dimanche. En ce jour du Seigneur, un seigneur d’un autre genre recouvrait la liberté. Je n’en revenais pas, il était libre enfin!

J’ai suivi sa vie d’homme libre avec intérêt, j’ai lu son livre et ceux qui lui étaient consacrés, j’ai vu les films adaptés de sa vie avec sa passion (‘’Good bye Bafana‘’ de Bill August et  ’Invictus’’ de Clint Eastwood). J’attends de voir le tout dernier, ‘’Un long chemin vers la liberté’’ de Justin Chadwick.

 

Ces derniers mois, je priais pour lui, je savais bien que le jour du grand départ n’était plus loin, il n’était plus le fringant avocat passionné de boxe qui attirait le regard féminin. ‘’Je n’y peux rien si les dames me remarquent ; je ne vais pas me plaindre’’. Il était vieux et fatigué, l’heure du repos approchait et le monde s’était comme arrêté de tourner, on avait tous les yeux braqués vers l’Afrique du sud. Il aura tenu jusqu’à ce 5 décembre fatidique. Il s’en va, en paix, à 95 ans. Il a accompli sa mission.

Ironie du sort, le plus illustre des africains meurt vingt quatre avant l’ouverture, à Paris, du Sommet France-Afrique au cours duquel les moins illustres des africains maintiennent nos pays sous la dépendance. Chacun d’eux aura son mot à dire sur Nelson Mandela, sur sa vie et de son combat mais personne n’aura assez de courage pour faire comme lui : quitter le pouvoir même lorsque la constitution l’exige ! Par contre, ils se bousculeront tous pour être aux obsèques!

Ce qui m'attriste ce n'est pas tant la mort de Nelson Mandela mais plutôt l'absence de modèles vivants maintenant qu'il n'est plus là. On a eu Patrice Lumumba, Steve Biko, Thomas Sankara et Nelson Mandela. Maintenant on a qui? Personne!

Je regarde à gauche et à droite, je ne vois que des mauvais exemples.

Je pleure!



06/12/2013
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